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Jacques Maret / ROCHEFORT 2008
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26 février 2008

Bilan de santé de la PAC

Selon Jacques Maret
Bilan de santé de la PAC :" il faut une autre politique agricole
commune pour le maintien d'une agriculture durable et solidaire"

/ [ 25/02/2008 13:43 ] /Document - Position d'organisations françaises
de solidarité internationale, d'environnement, d'agriculture et de
développement durable

Dans sa Communication sur le bilan de santé de la PAC du 20 novembre
2007, la Commission propose des ajustements techniques de la réforme
décidée en 2003. Si certaines pistes avancées sont positives, elles ne
doivent pas masquer la profonde crise de légitimité que traverse la
PAC. Ainsi il est indispensable de jeter dès maintenant les bases
d'une PAC plus durable et plus équitable, car elle évoluera désormais
dans un contexte géopolitique et stratégique global dont les
équilibres restent fragiles.
Les organisations françaises signataires de ce texte souhaitent
approfondir et commenter le bilan fait par la Commission, et proposer
des pistes d'amélioration qui préfigureraient les évolutions prévisibles
En effet les défis futurs d'une politique européenne dépassent de loin
la seule consultation des intérêts agricoles et agroalimentaires : ils
englobent les enjeux et les demandes de la société en matière
d'alimentation, d'environnement, de changement climatique, et de
développement rural.
1. Renforcer la légitimité économique et sociale des aides
C'est désormais un fait admis : les aides au revenu ne remplissent pas
leur rôle lorsqu'elles favorisent les plus grosses unités, et
négligent les petites exploitations et types d'agriculture favorables
à l'environnement et à la qualité des produits.
Alors que 70% des aides vont encore à 30% des exploitations, la
Commission se contente de proposer un plafonnement par exploitation à
partir de 100 000 euros, et d'inviter les Etats membres à sortir du
modèle de paiement unique historique d'ici 2013. Si l'intention de
redistribuer les aides en prélevant sur ceux qui reçoivent le plus
aujourd' hui est louable, l'efficacité d'une telle mesure reste à
démontrer au regard des recettes espérées. A terme, si toutes les
formes de soutien doivent être remises à plat après 2013, une
meilleure acceptation de la PAC par l'opinion passe nécessairement par
l'objectif de relégitimer le soutien au revenu à partir des actifs sur
les fermes, plutôt qu'en fonction de la surface des exploitations.
La Commission et les Etats membres doivent donc formuler des
propositions plus précises afin de rendre les aides plus «
intelligentes », qui prennent en compte l'emploi et l'environnement
sur les exploitations. Sans quoi il est vain de penser pouvoir
pérenniser un système d'aide inéquitable et inefficace après 2013.
2. Repenser la conditionnalité de manière plus cohérente dans le premier
pilier

Nul n'est censé ignorer la loi, et le respect des directives et
règlements en vigueur s'impose à tous les agriculteurs. Les Etats
membres sont par conséquent responsables de la stricte application des
obligations existantes. S'il est justifié d'exiger la conditionnalité
à l'octroi d'un soutien au revenu, elle demeure encore trop statique,
trop administrative (veille réglementaire, enregistrement des
pratiques...).
En réponse à cette critique, la Commission propose un allègement des
contrôles, alors qu'il est urgent de repenser la conditionnalité sur
des bases agronomiques qui intègrent la préservation de la
biodiversité domestique (semences paysannes et race animales) comme
facteur de production (modification des systèmes de cultures et des
itinéraires techniques à bas niveaux d'intrants, rotation des
cultures, lien au sol, ...).
En ce sens, la Commission et les Etats membres doivent introduire dans
la conditionnalité la jachère environnementale favorable à la
biodiversité sauvage et agricole et un niveau adéquat de surface de
compensation écologique, ainsi que la réduction des intrants pour
lutter contre le gaspillage et la dégradation de l'eau, des sols, de
l'air et de la biodiversité.
3. L'entretien de l'espace et la protection de l'environnement
passent par le maintien d'exploitations agricoles nombreuses
sur le territoire

Il est des secteurs en élevage où la politique du découplage des aides
comporte des risques d'abandon du territoire, ou de conversion des
prairies en terres arables. Le maintien d'exploitations d'élevage est
essentiel à l'entretien de l'espace et à la gestion de
l'environnement. Aussi est-il important de pouvoir conserver un
traitement différencié des politiques de soutien de l'élevage à
l'herbe dans le cadre de la PAC, en particulier pour les zones de
montagnes et les régions défavorisées.
Face à la possible suppression des quotas laitiers en 2015, et afin
d'accompagner certaines productions et certains modes de productions
peu soutenus par la PAC, la Commission suggère de redistribuer une
partie des aides en révisant l'article 69 du règlement CE n°
1782/2003. Il est clair que cet article 69 révisé ainsi qu'une plus
forte modulation des aides, offrent des marges de manoeuvre
substantielles pour réorienter près d'un tiers des dépenses de la PAC
en faveur de types d'agriculture qui protègent l'environnement,
valorisent des produits de qualité, et maintiennent des emplois sur
des exploitations de taille moyenne.
L'Europe et les Etats membres ne doivent pas se priver de telles
opportunités pour réorienter la PAC en faveur de systèmes de
production plus durables. A l'inverse, il n'est pas souhaitable que la
redistribution des aides serve à financer des dispositifs de gestion
des risques qui ne profiteraient qu'à une minorité d'exploitations
agricoles, alors que des exploitations plus vulnérables (zones de
montagne, zones défavorisées) méritent davantage de considération de
la part de la PAC.
4. L'alimentation durable doit être au coeur d'une PAC renouvelée.
Les agriculteurs ne doivent plus être considérés comme les seuls
bénéficiaires de la PAC, puisque sa finalité première est la
fourniture de biens alimentaires en qualité (ce qui inclut les
qualités sanitaires, nutritionnelles, organoleptiques et culturelles),
et en quantité suffisante sur le marché intérieur. De ce fait, nous
avons besoin d'une politique alimentaire durable qui cible d'abord les
consommateurs avec des prix transparents et abordables, reflétant les
coûts de production, tout en garantissant un revenu rémunérateur aux
producteurs.
La Commission et les Etats membres doivent accélérer la mutation de la
PAC pour qu'elle soit davantage axée sur la nutrition et la santé
publique.
Une véritable politique alimentaire est nécessaire, qui rémunère
davantage les produits sous appellation d'origine, sous labels, et
issus de l'agriculture biologique, lesquelles fournissent des repères
en matière d'identification de provenance et de mode de production des
aliments. Ces agricultures contribuent à la vitalité et à l'emploi
dans les territoires ruraux, et apportent des bénéfices sociaux et
environnementaux qui profitent à la société toute entière.
Dans leurs achats alimentaires, les consommateurs européens doivent
pouvoir choisir le type d'agriculture qu'ils considèrent bénéfique
pour la société, qui ne conduit pas à des prix artificiellement bas du
fait d'une main d'oeuvre agricole sous-payée et d'atteintes à
l'environnement et à la santé des producteurs dans les pays tiers ou
sur notre territoire.
Une alimentation de qualité pour tous demeure par conséquent la
principale légitimité de la PAC.
5. L'organisation des marchés
agricoles est cruciale pour le maintien d'agricultures paysannes

Les instruments de gestion des marchés agricoles ne doivent pas être
systématiquement démantelés au simple motif qu'ils sont démodés comme
l'écrit la Commission.
Face à la hausse des prix des céréales et produits laitiers, Bruxelles
a supprimé le gel des terres obligatoire, et veut en finir au plus
vite avec les quotas laitiers. Or ça n'est pas parce que les prix
augmentent de façon exceptionnelle sur une année qu'il faut supprimer
toute possibilité d'intervention sur les marchés. Les instruments de
régulation doivent au contraire selon les cas, être renforcés et
évoluer pour prendre en compte les filières locales, effectivement
jouer leur rôle de filet de sécurité pour les producteurs, et
permettre le maintien de productions diversifiées sur tous les
territoires.
Le régime des quotas par exemple, a fait ses preuves dans le secteur
laitier : il est indispensable à la survie économique de nombreuses
exploitations familiales ainsi que des entreprises agro-alimentaires
dans certaines régions défavorisées d'Europe. Face aux nouvelles
perspectives de marché, l'intervention doit être reconsidérée selon
des objectifs de sécurité d'approvisionnement, et donc de souveraineté
alimentaire.
S'il est impératif de mettre un terme rapidement aux subventions aux
exportations qui pénalisent les agricultures vivrières des pays en
développement, les protections douanières et le recours au stockage
public doivent être maintenus dans la panoplie des instruments
d'intervention pour la sécurité alimentaire, en particulier pour les
produits de base de l'alimentation humaine.
Enfin, il est impératif de disposer des mécanismes de soutien pour des
filières émergentes respectueuses de l'environnement comme la
production biologique : celles-ci sont sensibles à la moindre
variation des prix ou de la demande dans un sens ou dans l’autre.
6. Promouvoir une agriculture qui contribue à la lutte contre le
changement climatique, en étant centrée sur sa vocation alimentaire

La Commission évoque les nouveaux défis du changement climatique, de
la gestion des risques, de la biodiversité et de la gestion de l'eau,
mais ignore les problèmes de concurrence sur les terres cultivables,
entre productions alimentaires, énergétiques, qui demeurent pourtant
le défi central des prochaines années.
En rappelant simplement les engagements en matière de production,
Bruxelles doit a minima insister sur la nécessité d'évaluer l'impact
environnemental global (énergies fossiles, engrais, bilans humiques
des cultures, effet des rotations sur la biodiversité) de la
production d'agrocarburants, de ses effets sur l'usage des terres et
sur le prix de l'alimentation. Cette évaluation doit inclure l'impact
des importations en provenance des pays du Sud (déforestation,
exclusion...).
Au regard des faibles stocks de céréales, la demande élevée de grains
pour l'élevage et pour les agrocarburants accroît les risques
d'insécurité alimentaire dans le monde. L'intégration des défis
climatiques et énergétiques tant en termes d'émissions des systèmes
agricoles et alimentaires que d'adaptation est possible dans le cadre
des organisations de marchés, et il serait dangereux de renvoyer cette
question dans le second pilier de la PAC sans régulation en amont, et
sans remise en question des modes de production non durables qui
monopolisent aujourd'hui les aides. En ce sens, il est nécessaire
d'aller vers la suppression des aides aux agro-carburants industriels
de première génération, qui sont certainement la plus mauvaise
utilisation de la biomasse en terme d'efficacité énergétique.
Enfin, il est essentiel de proposer des pistes de sortie d'un modèle
de production qui dépend trop des énergies fossiles. La réduction des
émissions de gaz à effet de serre et une moindre vulnérabilité face à
l'augmentation des prix du pétrole, l'autonomie énergétique des
fermes, ainsi que les agrosystèmes qui séquestrent le carbone dans les
ols en reconstituant l'humus, doivent être davantage prises en compte
par la PAC.
7. Un second pilier pour véritablement soutenir le
développement rural

Afin de renforcer le volet développement rural de la PAC, la
Commission propose une augmentation graduelle du taux de modulation
obligatoire, pour passer de 5% en 2009 à 13% en 2013. Au regard du
taux de 20% de modulation obligatoire avancé en 2003, ces 13%
s'avèrent extrêmement modestes eu égard aux nouveaux défis évoqués par
la Commission que sont le changement climatique, la biodiversité et la
gestion de l'eau.
Il est regrettable que le développement rural n'ait pas réussi à
s'imposer faute d'arbitrages budgétaires
favorables depuis 1999. En effet le second pilier de la PAC représente
trois fois moins de ressources que le premier pilier. On peut
objectivement douter que la structure actuelle de la PAC soit adaptée
à l'intégration des « nouveaux défis », et la Commission comme les
Etats membres doivent en prendre la mesure.
D'abord de par la faiblesse de ses moyens financiers, le second pilier
ne peut endosser seul la responsabilité de ces nouveaux défis, quand
il peine déjà à assumer pleinement ses missions courantes en matières
agroenvironnementale et de développement rural non exclusivement
agricole.
Ensuite le cofinancement national qui est la règle à hauteur de 50%,
accentue la pression budgétaire sur un second pilier de fait plus
agro-territorial que véritablement rural, et qui deviendrait carrément
fourre-tout. Par conséquent l'objectif du second pilier doit rester
avant tout le développement de l'emploi et la protection de
l'environnement.
8. Combattre les effets négatifs de l'agriculture
européenne envers les pays en développement, et améliorer la
coopération entre les agricultures du monde

Si la Commission rappelle que l'Union européenne est le plus gros
importateur de produits agricoles et représente le plus gros marché
d'exportation pour les pays en développement, elle omet de mentionner
l'engagement pris en 2005 de supprimer toutes ses subventions à
l'exportation d'ici 2013.
En l'absence d'une gouvernance mondiale de l'agriculture, la
participation à une compétition commerciale déloyale entre les
paysanneries du monde ne favorise pas la lutte contre les inégalités,
le recul de la pauvreté et la protection des ressources naturelles.
Afin de remédier aux échanges inégaux et inéquitables, l'UE et les
Etats membres doivent rechercher les moyens de permettre aux pays du
Sud d'approvisionner leurs marchés intérieurs avec des politiques
agricoles et commerciales leur garantissant une souveraineté alimentaire.
Par ailleurs, l'élevage et l'alimentation européennes demeurent très
dépendantes de matières premières agricoles importées de l'hémisphère
sud (soja, huile de palme...) et dont les conditions de production en
termes d'impacts écologiques, sociaux et sur le changement climatique,
sont en grande part de la responsabilité de l'Union européenne.
En ce sens, il revient à la Commission et aux Etats membres de prendre
des initiatives dans le cadre de la PAC qui n'hypothèquent pas les
chances de développement des agricultures familiales du Sud, et qui
contribuent à reconquérir l'autosuffisance protéique de l'Unioneuropéenne.

*Organisations signataires :* /Les Amis de la Terre, Adéquations,
Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD),
Comité français pour la solidarité internationale (CFSI), Fédération
nationale des centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le
milieu rural (FNCIVAM), réseau Cohérence, Fédération nationale des
agriculteurs biologiques des régions de France (FNAB), Mouvement pour
le droit et le respect des générations futures (MDRGF), Groupe de
recherche et d'échanges technologiques (GRET), Dossiers et débats pour
un développement durable (4D), Réseau action climat (RAC), Réseau
agriculture durable (RAD), Fonds mondial pour la nature (WWF).

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Jacques Maret / ROCHEFORT 2008
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